ANDY EMLER piano solo "My Own Ravel"

photo André Henrot

Andy Emler nous avait déjà montré comment il savait faire sonner le piano de l'Auditorium lors d'un mémorable concert du trio Emler/Tchamitchian/Échampard en avril 2016. C'est encore plus flagrant en solo : ce Yamaha C7X a de la ressource et sonne magnifiquement. Il faut dire qu'il n'est pas ménagé. Andy le joue avec une puissance et une énergie incroyable, en exploitant toutes les ressources du clavier , du plus grave au plus aigu. Touches parfois frappées violemment, vélocité dans tous les registres, cordes parfois grattées, frappées, étouffées : le récital d'Andy Emler est parfois un corps à corps impressionnant avec son piano.

Comme son nom l'indique, "My Own Ravel" évoque la musique du génial compositeur sans jamais la citer directement. Conçues pour accompagner une lecture théâtrale du texte "Ravel" de Jean Echenoz, consacré aux dernières années d'un homme diminué par la maladie, les pièces composées par Andy Emler peuvent prendre une intensité dramatique, ou au contraire évoquer avec humour les événements qui ont marqué cette période de la vie de Maurice Ravel. La musique est entrecoupée de commentaires et d'anecdotes sur la vie du compositeur, et là encore, Andy Emler utilise souvent l'humour, qui transparaît jusque dans les titres. Ainsi "Promenade dans le Var" qui semble avoir peu de rapport avec le Pays Basque cher au compositeur est en fait basé sur un palindrome : "Le Var", "Ravel"... Si c'est pas d'un drôle !

Alors si la musique de Ravel n'est pas citée, quels sont les composants qui l'évoquent : les harmonies sûrement, les tournures rythmiques, reprises de danses du passé ou hispanisantes ( Andy allant jusqu'à faire ponctuer quelques espagnolades par les "Olé" du public), et puis un certain climat indéfinissable, des ambiances...

Andy Emler interprète cette musique avec l'engagement qui lui est propre, lui donnant une intensité décelable tout aussi bien dans les passages les plus calmes que dans les déferlements d'énergie. Une musique qu'il dit "avoir peu de points communs avec le jazz... quoique?"
Une musique faite de rigueur et de liberté, une musique savante et ludique, une musique qui a emporté les auditeurs dans un univers que Ravel n'aurait sûrement pas renié.

photo André Henrot

photo André Henrot

photo André Henrot

photo André Henrot

Big-Band du Conservatoire Ardenne Métropole
dirigé par Andy Emler

Saxophones : Dominique Tassot, Véronique Nonon-Bessy, Jonathan Verheyen, Pascal Wachez, Francis Coché, Léo Maizières, Julien Roussel
Trompettes : John John Desbois, Didier Maizières, Pierre Gourmez
Contrebasse : Jérôme Boor - Batterie : Pierre Parizot
Percussions : Gérard Golec - Guitare : Christophe Bouillard

photo André Henrot

On connaissait bien des talents à Andy Emler : pianiste, chef d'orchestre, improvisateur, compositeur ... On peut maintenant ajouter celui de metteur en scène. En effet, la présentation de ce concert de fin de résidence avait été soigneusement préparée. Les musiciens, habillés de noir, blanc et gris entrent sur scène et s'alignent en arc de cercle devant leurs sièges pendant que Dominique Tassot, directeur du Big-Band prend la parole, expliquant la genèse de cette résidence... Mais il n'a pas le temps de s'étendre sur le sujet, il est gentiment écarté par Véro qui dirige au doigt et à l'œil  une improvisation vocale des 15 hommes qui lui font face. Une technique mise au point par Andy Emler il y a des années, avant l'avènement du soundpainting ... Des gestes simples, commandant des chuchotements, murmures, cris, rires, chants, contrôlant la hauteur des sons et leur volume... ça ne manque pas d'humour, et produit une musique assez déjantée sur laquelle se greffe en douceur le saxophone sopranino de Dominique Tassot.
Andy Emler d'abord membre de la "chorale", prend sa place de chef d'orchestre pendant que ses partenaires se saisissent de leurs instruments et continue à diriger par signes une improvisation collective se structurant progressivement pour se muer en une pièce typique du répertoire du MégaOctet : une écriture sophistiquée, des superbes arrangements laissant beaucoup d'espaces de liberté aux musiciens... Pour le morceau suivant, Andy cède la place de chef d'orchestre à Thimothée, alias John John, et s'installe derrière le piano. Au détour d'un solo, le saxophoniste alto tombe la chemise et dévoile un t-shirt rouge bientôt imité par tous les membres de l'orchestre qui prend brutalement de la couleur. Encore une trouvaille visuelle d'Andy ! Les chorus se succèdent au cours des trois compositions amenées par Andy Emler : "By The Way", "West In Peace" , et "Funky Sikness , aux arrangements spécialement écrits pour le Big-Band et le concert se termine avec une nouvelle improvisation vocale, Véro dirigeant les musiciens et Andy faisant participer les spectateurs. Les deux premières sessions de cette résidence en 2017 avaient été consacrées à l'improvisation vocale, au lâcher- prise... La boucle est bouclée, dans la bonne humeur et le sentiment d'avoir mené à bien un projet ambitieux. Bravo à Andy Emler, Dominique Tassot, et à tous les membres du Big-Band !

Patrice Boyer

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